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Il n’y a
pas de sport plus télégénique que le vélo. Certes, le football, et lui seul,
fait plus d’audience sur le petit écran, mais cela tient à des raisons cocardières,
qui font regarder les matchs comme des affrontements de deux hordes.
Cela tient plus encore à une universalité due à la possibilité du
football d’être pratiqué sans infrastructure, sans bien, et,
surtout, sans espace et sans sécurité, quand le cyclisme nécessite
routes et bicyclette, et, prioritairement, terres et paix. Le succès
supérieur du football tient dans la violence du monde. Dans un monde
pacifié et apaisé, à commencer par ses routes, le vélo le
supplanterait. Certes, le football peut être beau, artistiquement
beau, individuellement et collectivement, mais le vélo, c’est la
liberté, l’émotion de la liberté. Dans l’effort. La liberté
et l’effort sont deux exercices indissociables. Pédalage et
émancipation sont, chez un coureur cycliste, deux valeurs qui
expriment et impriment le respect bien plus que la bannière sous
laquelle il cavale.
À l’écran, le cyclisme est un
sport captivant, à la portée des profanes.
Sauf quand il est disputé contre
la montre. Seuls alors les puristes y goûtent toute sa saveur. Mais
sur le terrain, par bonheur, le contre-la-montre élève le
spectateur en esthète.
Le succès des courses en ligne à
la télévision tient d’abord à l’exposition assemblée des
faits de course. « Pour faire un bon film, il faut trois
choses », disait le cinéaste Julien Duvivier : « une
bonne histoire, une bonne histoire, et une bonne histoire. »
Devant la retransmission télévisée d’une course, le
téléspectateur ajoute à une bonne histoire (souvent), le désir
permanent d’une nouvelle bonne histoire, qui viendra la bousculer,
ou l’anéantir, ou la nuancer, ou la prolonger. Il s’excite de la
découverte en continu du bon scénario nulle part écrit,
c’est-à-dire sans intention.
Le contre-la-montre n’est pas
une course. Le contre-la-montre ne couronne pas l’esprit de
compétition. Il gratifie l’esprit de surpassement. Aujourd’hui,
le contre-la-montre du Ventoux, c’est cent soixante-quatre courses.
En solitaire. Les faits de course ne sont que les gestions
individuelles de courses individuelles. Dans son surpassement, chacun
exhibe à tour de rôle le dépouillement de son être dans un but à
l’énoncé simple, l’atteinte complexe : monter au plus vite
de ses possibilités.
C’est purement beau. Et
l’immense public venu à leur rencontre sur les pentes du Géant de
Provence ne s’y trompe pas. En esthète, il savoure.
Parmi les premiers partis, il
apprécie la démonstration de Milan Jurco, un apollon tout en
muscles. Il hisse ses quatre-vingt-six kilos de la plaine (Bédoin)
au pic en 1h17’30. Intellectuellement, ceux qui, de tout en bas,
ont regardé l’observatoire tout là-haut, apprécient la
performance. Les cyclistes-spectateurs l’étudient, et comparent.
Mais l’émerveillement ne peut
venir que du ressenti à portée de regard, quand passe l’homme
déployé. Sans connexion tactile. Toucher, c’est intervenir.
Intervenir, c’est sacrilège. D’ailleurs, le contact déchargerait
l’émotion. Quel que soit le coureur, peut-être plus encore s’il
est inconnu, la proximité sans contact de l’humain dans l’exercice
maximal et gratuit génère le frisson, les larmes pour les plus
émotifs. Des larmes ni de joie ni de tristesse. Des larmes de
solidarité tribale : l’appartenance à l’espèce dont le
propre est la faiblesse. La faiblesse de pédaler pour s’élever au
sommet de la montagne juste parce
qu’elle est là, les
muscles en tension, le psychisme apaisé.
Dans une ambiance crescendo, ...
Ça donne envie de lire le livre. Vraiment.
RépondreSupprimerLa suite te surprendra peut-être, ce qui précède aussi. Il y a tous les ingrédients : la course, grandiose, le terrain, superbe, et, surtout, il y a l'humain.
RépondreSupprimerJe l'ai commandé. J'attends la livraison chez mon libraire.
RépondreSupprimerMerci. Puis-je t'envoyer un message (réponse au formulaire de contact)?
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